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Rebondissements en matière de distribution aux associés du report à nouveau

Mise à jour – 12 février 2025

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Le 30 janvier 2025, la Cour d’appel de Paris s’est notamment prononcée sur la possibilité de procéder à des distributions de réserves, primes ou report à nouveau en dehors de l'assemblée générale annuelle d'approbation des comptes (AGOA).

Cet arrêt revient sur la décision du Tribunal de commerce de Paris qui avait condamné la pratique visant à procéder à des distributions exceptionnelles de réserves en dehors de cette assemblée.

A noter : Cette décision doit être rapprochée d’une décision ultérieure de la Cour de cassation entretemps prononcée dans une autre espèce.

En effet, moins de deux semaines après la décision rendue par la cour d’appel de Paris (CA Paris, 30 janv. 2025, n°22/17478), ayant énoncé la possibilité de distribuer aux associés des sommes prélevées sur les réserves ou sur le poste report à nouveau (RAN) en dehors de l'assemblée générale annuelle d'approbation des comptes (AGOA), la position de la cour d’appel a été contredite par la Cour de cassation concernant le RAN (Cass. Com., 12 févr. 2025, n° 23-11.410).

En matière de distribution aux associés en dehors de l’assemblée d’approbation des comptes, l’incertitude posée par un jugement qui avait qualifié de dividendes fictifs une distribution imputée sur les réserves et le report à nouveau par une assemblée ordinaire a été récemment dissipée en appel.

Pour mémoire, un jugement du tribunal de commerce de paris du 23 septembre 2022, aujourd’hui Tribunal des affaires économiques (L. n°2023-1059 du 23 nov. 2023, art. 26), avait adopté la position suivante : « il ne peut être sérieusement soutenu que l’alinéa 2 de l’article L. 232-11 du code de commerce permettrait, en l’absence de dispositions contraires, un autre mode de distribution que celui, alternatif, qui résulte de l’article L 232-12 et que les sociétés auraient dans le silence des textes, la possibilité de procéder librement à des distributions de sommes prélevées sur les réserves ; en effet, une telle lecture ferait perdre tout sens à l’un des principes dégagés par ces textes qui vise à s’assurer, que la société, en ce compris ses résultats les plus récents, présent bien une capacité de distribution compatibles avec le respect de sa solidité financière, dans un souci de protection des tiers  » (T. com. Paris, 16e ch., 23 sept.2022, n°J2021000542).

Cette décision remettait en cause, en l'absence de fondement textuel explicite, la licéité des distributions exceptionnelles de réserves intervenant en-dehors de l'assemblée générale annuelle convoquée pour statuer sur l’approbation des comptes de l’exercice précédent et l’affectation du résultat.

Cette lecture des articles L. 232-11, alinéa 2 et L. 232-12, alinéa 1 du Code de commerce allait à l’encontre des interprétations formulées jusqu’alors par la CNCC, (Bull. CNCC n° 44, déc. 1981, p. 500), l’ANSA (avis du comité juridique,2 juill. 2003) et une grande partie de la doctrine, de sorte que la position de la cour d’appel sur cette question était attendue.

Une analyse différente de celle des premiers juges était possible pour au moins deux raisons. La première tenait à la lecture de l’article L. 232-11 alinéa 2 du Code de commerce, qui ne prévoit pas d’assujettir les distributions de réserves au formalisme de l’article L. 232-12 du même code (approbation préalable des comptes de l’exercice et constatation de l’existence de sommes distribuables). La seconde reposait sur la confusion opérée entre le bénéfice distribuable (directement corrélé à l’activité récente de la société concernée) et ses réserves (qui peuvent avoir été constituées sur le long terme), a priori justifiée par la considération de ce que la solidité financière serait fonction des « résultats les plus récents » de la société au cours de la période qui précède immédiatement la distribution litigieuse.

Au terme d’une analyse à rebours de celle des premiers juges, la Cour d’appel dissipe les incertitudes existantes (CA Paris, pôle 5, ch. 9, 30 janv. 2025, n° 22/17478).

Dans la partie de l’arrêt consacrée à la distribution de dividendes, après un rappel des textes applicables, la décision analyse dans un premier temps la possibilité de mettre en distribution des sommes prélevées sur le report à nouveau et les réserves (a), puis dans un deuxième temps la compétence de l’assemblée générale s’agissant de distribuer des dividendes (b) et enfin la conformité de la distribution exceptionnelle par rapport aux statuts (c) (arrêt, p. 11, al. 8).

Sur le premier temps, la cour d’appel se penche sur les notions de report à nouveau et de réserves. Elle retient d’abord qu’ « il ressort de l’article L. 232-11 du code de commerce que le report à nouveau bénéficiaire est une composante du bénéfice distribuable ; il s’y trouve mécaniquement inclus. Ainsi, l'existence d'un report à nouveau bénéficiaire peut justifier une distribution de dividendes si son montant, le cas échéant ajouté à celui d'un éventuel bénéfice d'exercice, demeure positif après déduction des dotations aux réserves légales ou statutaires. C'est alors d'une distribution du bénéfice d'exercice distribuable dont il s'agit en l’espèce, et non d'une distribution du report à nouveau puisque les sommes de ce report bénéficiaire sont affectées au bénéfice distribuable. Il est largement admis que le report à nouveau bénéficiaire s’apparente à une réserve et peut, à cet égard, être distribué sur décision collective des actionnaires ».

A propos des réserves, elle considère ensuite qu’ « il est expressément prévu par la loi et plus particulièrement à l’article L. 232-11, une mise en distribution de sommes prélevées sur les réserves dont l’assemblée a la disposition. Cette mise en distribution des réserves dites « libres » suppose que la décision de l'assemblée générale indique les postes de réserves sur lesquels les prélèvements sont effectués.»

Et en son (b), la décision, après avoir énoncé que l’article L. 232-11 du Code de commerce ne précise pas que « l’assemblée générale visée par le texte est celle approuvant les comptes » et que l’article L. 232-12 dudit code « ne qualifie pas l'assemblée générale qui fixe le dividende » reprend le raisonnement des premiers juges pour finalement y substituer l’analyse suivante :

« en l’absence de disposition légale ou réglementaire contraire, rien n’interdit de décider une distribution exceptionnelle de dividendes prélevés sur les comptes de report à nouveau et réserves libres en dehors de l’assemblée générale ordinaire annuelle.” (arrêt, p. 13, al. 2).

Il ressort de cette décision qu’après avoir utilement précisé les règles applicables à la mise en distribution de sommes prélevées sur le report à nouveau et les réserves (arrêt, p. 12), l’arrêt confirme in fine que n’est pas fictive, ni même fautive, la distribution de dividendes prélevés sur les comptes de report à nouveau et réserves libres en dehors de l’AGOA. La distribution de réserves par n’importe quelle assemblée reste donc possible.

Mise à jour – 12 février 2025

Comme on l’a indiqué, cette décision est à mettre en perspective avec une décision ultérieure de la Cour de cassation entretemps prononcée dans une autre espèce.

Selon la Cour de cassation, il résulte des articles L. 232-11 et L. 232-12 du Code de commerce, "lesquels sont impératifs, que le report bénéficiaire d'un exercice est inclus dans le bénéfice distribuable de l'exercice suivant et que, par voie de conséquence, seule l'assemblée approuvant les comptes de cet exercice pourra décider son affectation et, le cas échéant, sa distribution. Il s'ensuit qu'encourt la nullité la délibération d'une assemblée générale autre que celle approuvant les comptes de l'exercice et décidant la distribution d'un dividende prélevé sur le report à nouveau bénéficiaire d'un exercice précédent" (Cass. Com., 12 févr. 2025, n° 23-11.410).

La Cour de cassation considère ainsi que seule une AGOA peut décider de l'affectation et, le cas échéant, de la distribution du RAN.

En revanche, cette décision ne semble pas revenir sur le principe d’une distribution prélevée sur le poste « autres réserves ».

Rédigé par Xavier Doumen, Bob Zeller et Louis-Nicolas Ricard.

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