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Veille juridique INFRASTRUCTURES / Contrats publics Veille du 24 janvier 2025

L’équipe Financement de Projet du bureau de Paris vous propose de retrouver l’actualité récente française et européenne concernant le droit des contrats publics et le droit de la commande publique, notamment dans le domaine des infrastructures. Vous bénéficiez d’une sélection ainsi que d’une analyse de la jurisprudence.

Effets de la réception avec réserves : point de départ des garanties de parfait achèvement et décennale

Dans deux affaires différentes, le Conseil d’Etat a été amené à préciser que le point de départ de la garantie de parfait achèvement et de la garantie décennale était bien la date de réception, que celle-ci ait été prononcée sans réserve ou « prononcée avec réserves en application de l'article 41.6 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux (CCAG Travaux) ou sous réserve de l'exécution concluante d'épreuves ou de l'exécution de prestations en application des articles 41.4 ou 41.5 du même cahier ». 

CE, 13 décembre 2024, n°489720 pour la garantie de parfait achèvement 

CE, 20 décembre 2024, n°475416 pour la garantie décennale

Responsabilité contractuelle de l’État : prescription quadriennale

A propos d’un recours en responsabilité contractuelle dirigé par un établissement hospitalier à l’encontre de l’État à qui il avait confié une mission de conduite d’opération au titre de la loi MOP, le Conseil d’Etat précise que « l'action du maître d'ouvrage tendant à la mise en jeu de la responsabilité contractuelle du constructeur, engagée à l'encontre de l'Etat lorsque ce dernier exercé une mission de conduite d'opération sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985, se prescrit par quatre ans en application de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968. », et non par le délai de prescription de droit commun de cinq ans.

CE, 20 décembre 2024, n°488339

Responsabilité quasi-délictuelle du sous-traitant engagée par le maître d’ouvrage

Dans son arrêt « Commune de Bihorel » (CE, 7 décembre 2015, Commune de Bihorel, n° 380419), le Conseil d’Etat avait reconnu la possibilité pour le maître d’ouvrage d’engager la responsabilité quasi-délictuelle d’un sous-traitant : « il appartient, en principe, au maître d'ouvrage qui entend obtenir la réparation des conséquences dommageables d'un vice imputable à la conception ou à l'exécution d'un ouvrage de diriger son action contre le ou les constructeurs avec lesquels il a conclu un contrat de louage d'ouvrage. Il lui est toutefois loisible, dans le cas où la responsabilité du ou des cocontractants ne pourrait pas être utilement recherchée, de mettre en cause, sur le terrain quasi-délictuel, la responsabilité des participants à une opération de construction avec lesquels il n'a pas conclu de contrat de louage d'ouvrage, mais qui sont intervenus sur le fondement d'un contrat conclu avec l'un des constructeurs ». 

Dans un arrêt récent, le Conseil d’État apporte une précision supplémentaire au régime d’un tel recours en jugeant que « Le maître d'ouvrage ne saurait cependant rechercher cette dernière responsabilité lorsqu'il a laissé prescrire l'action en responsabilité contractuelle qu'il pouvait exercer contre son ou ses cocontractants ».

CE, 30 décembre 2024, n°491818

Concession : négociation d’une offre initialement irrégulière

Le Conseil d’Etat juge que les règles fixant les limites des négociations pouvant être menées par une autorité concédante « ne s'opposent pas à ce que, lorsqu'elle recourt à la négociation, l'autorité concédante y admette un soumissionnaire ayant remis une offre initiale irrégulière ». Dans une telle situation, le Conseil d’État précise que « Le respect du principe d'égalité de traitement des candidats implique toutefois qu'elle ne puisse retenir un candidat dont la régularisation de l'offre se traduirait par la présentation de ce qui constituerait une offre entièrement nouvelle. En tout état de cause, l'autorité concédante est tenue de rejeter les offres qui sont demeurées irrégulières à l'issue de la négociation ».

CE, 30 décembre 2024, n°491266

Modification des groupements en cours de procédure 

Le décret n° 2024-1251 du 30 décembre 2024 portant diverses mesures de simplification du droit de la commande publique, publié au JORF du 31 décembre 2024, introduit diverses mesures visant à simplifier l’accès des entreprises à la commande publique et à assouplir les règles d’exécution financière des marchés publics. 

Parmi ces mesures, figurent des assouplissements au principe d’intangibilité des groupements en cours de procédure, lorsque ces procédures incluent des phases de négociation ou de dialogue. Ainsi, l’article R. 2142-3 est complété par des dispositions autorisant la constitution d’un groupement formé entre plusieurs candidats admis à négocier ou à participer au dialogue, et un nouvel article R. 2142-26 permet à un groupement de modifier sa composition postérieurement à la remise des candidatures. Dans les deux cas, ces modifications doivent respecter les conditions suivantes : (i) le groupement doit disposer des garanties économiques, financières, techniques et professionnelles exigées par l'acheteur pour participer à la procédure, et (ii) la modification ne doit pas portee atteinte au principe d'égalité de traitement des candidats ni à une concurrence effective entre ceux-ci. 

Décret n° 2024-1251 du 30 décembre 2024 portant diverses mesures de simplification du droit de la commande publique.

Spécifications techniques des marchés publics

A l’occasion d’une question préjudicielle relative aux spécifications techniques des marchés publics, la Cour de justice de l’Union européenne apporte des précisions sur la portée des dispositions de l’article 42 de la directive 2014/24/UE (« Directive Marchés ») qui traite de ce sujet. 

En premier lieu, elle précise que l’énumération (qui figure au point 3 dudit article) « des méthodes de formulation des spécifications techniques est exhaustive, sans préjudice des règles techniques nationales obligatoires qui sont compatibles avec le droit de l’Union ».

Sur la possibilité pour l’acheteur de préciser la nature des matériaux pouvant être utilisés, la CJUE précise que : « les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent pas, sans ajout de la mention « ou équivalent », préciser, dans les spécifications techniques d’un marché public de travaux, de quels matériaux les produits proposés par les soumissionnaires doivent être constitués, à moins que l’utilisation d’un matériau déterminé découle inévitablement de l’objet du marché, aucune alternative fondée sur une solution technique différente n’étant envisageable ».

Sur la possibilité pour l’acheteur d’exclure certains types de produits ou matériaux, la CJUE considère que : « l’obligation de donner aux opérateurs économiques une égalité d’accès aux procédures de passation de marchés publics et l’interdiction de créer des obstacles injustifiés à l’ouverture des marchés publics à la concurrence (…) sont nécessairement méconnues lorsqu’un pouvoir adjudicateur élimine, par une spécification technique qui n’est pas compatible avec les règles énoncées à l’article 42, paragraphes 3 et 4, de ladite directive, certaines entreprises ou certains produits ».

CJUE, 16 janvier 2025, n°C-424/23

Auteur Perrine Limousin.

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