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Notre équipe sociale fait le point sur les actualités du mois d’octobre : de la publication du décret relatif aux nouvelles informations que l’employeur doit délivrer aux salariés aux trois arrêts relatifs à la conclusion d’accords spécifiques pour le bénéfice des exonérations afférentes aux suppléments de participation/intéressement, au calendrier des licenciements en cas de cessation d’activité et la motivation du licenciement d’une salariée enceinte adhérant au CSP.
Les articles 19 et 20 de la loi n° 2023-171 du 9 mars 2023, transposant la directive européenne n° 2019-1152 du 20 juin 2019, a renforcé l’obligation d’information de l’employeur sur les éléments de la relation de travail, en créant par ailleurs une procédure spécifique permettant au salarié d'exiger ces informations.
Un décret n°2023-1004 du 30 octobre 2023 précise désormais la nature des informations (en un ou plusieurs documents) relatives à la relation de travail que doit délivrer l'employeur au salarié (dues (i) à tout salarié et (ii) aux salariés appelés à travailler à l'étranger) ainsi que les modalités d'établissement et de délivrance de celles-ci.
A compter du 1er novembre 2023, en vertu de l’article R. 1221-34 et suivants du Code du travail, l’employeur doit transmettre les informations suivantes à tous les salariés, sous format papier ou électronique sous réserve des conditions fixées à l’article R. 1221-39:
Nature de l’information |
Délai de transmission (à compter de la date d’embauche) |
Renvoi aux dispositions légales/ conventionnelles possible ? |
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7 jours calendaires (information individuelle) |
Non |
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7 jours calendaires (information individuelle) |
Non |
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7 jours calendaires (information individuelle) |
Non |
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7 jours calendaires (information individuelle) |
Non |
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7 jours calendaires (information individuelle) |
Non |
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1 mois |
Non |
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7 jours calendaires (information individuelle) |
Oui |
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1 mois |
Oui |
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1 mois |
Oui |
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1 mois |
Oui |
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7 jours calendaires
(information individuelle) |
Oui |
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7 jours calendaires
(information individuelle) |
Oui |
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1 mois |
Non |
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1 mois |
Oui |
L’article R. 1221-36 du Code du travail énonce également les informations à délivrer aux salariés exerçant habituellement leur activité en France et amenés à travailler à l’étranger pour une durée supérieure à 4 semaines consécutives.
La plupart des informations visées ci-dessus sont d’ores et déjà intégrées dans les contrats de travail. Il faudra néanmoins veiller à s’assurer que l’ensemble de la documentation (contrat de travail et autres) se conforment désormais à ces dispositions. Un arrêté fixant des modèles de documents visant à faciliter la mise en œuvre de cette nouvelle obligation d'information est attendu et pourra être utile.
Le salarié qui n'a pas reçu les informations mentionnées dans les délais prévus peut mettre en demeure son employeur de les lui communiquer ou de les compléter, et, en l'absence de transmission des informations en cause par ce dernier dans un délai de sept jours calendaires à compter de la réception de la mise en demeure, le salarié peut alors saisir la juridiction prud’homale.
Dans cette affaire (Cass. 2e Civ., 19 octobre 2023, n°21-10.221), une société, qui avait mis en place la participation et l’intéressement conformément aux dispositions légales, par des accords collectifs conclus respectivement en 2003 et 2012, avait versé des suppléments de participation et d’intéressement au titre des exercices 2012, 2013 et 2014.
Le versement de ces suppléments avait été décidé dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire (NAO) qui avaient fait l’objet d’accords, tous déposés auprès de l'administration (la Direccte en l’espèce).
Toutefois, dans le cadre d'un contrôle portant sur les années 2012 à 2014, l'Urssaf a réintégré dans l'assiette des cotisations dues par la société les suppléments de participation et d'intéressement alloués aux salariés considérant que les modalités de versement du supplément devaient faire l’objet d’un accord spécifique.
La société contestait ce redressement en justice, estimant (i) que les dispositions du Code du travail n’exigeaient pas la conclusion d’un tel accord spécifique lorsque les suppléments ne suivaient pas des règles de répartition différentes à celle des accords initiaux et (ii) qu’en tout état de cause, les accords en question avaient été déposés dans les conditions prévus par la loi pour la mise en place de ces régimes, édictées par les articles L. 3322-6 (pour la participation) et L. 3312-5 (pour l’intéressement).
La Cour d'appel d’Amiens puis la Cour de cassation confirme toutefois la position de l’Urssaf et le redressement opéré. Les solutions retenues par la cour surprennent, notamment en matière d’intéressement, puisque si les modalités de répartition de ce supplément n’étaient pas différentes de celles prévues dans l'accord d'intéressement initial, une décision unilatérale suffisait : aucun accord spécifique n'était donc nécessaire en vertu de la position de l’administration. (Guide de l’épargne salariale, juill. 2014, p. 42)
Cette décision invite à une grande prudence de la part des employeurs sur les modalités de mise en place des suppléments de participation et d’intéressement.
Dans cette affaire (Cass. Soc., 20 septembre 2023, n°22-13.485) la Cour de cassation juge pour la première fois que l’employeur puisse notifier des licenciements économiques lorsque la cessation d’activité est engagée, mais pas encore définitive.
En l’espèce, le groupe Allergan avait cédé au groupe Teva son activité de distribution et de commercialisation de médicaments génériques et certains autres produits via la cession de l’une de ses filiales françaises, la société TA. Le démantèlement du portefeuille de la société TA l’avait ainsi conduite à informer ses représentants du personnel en septembre 2016 de son projet de cesser l’exploitation des 5 derniers produits demeurant dans son portefeuille et de les transférer au groupe Teva au cours du premier semestre 2017. Ce projet incluait un plan de licenciement collectif avec PSE, validé par la Dreets, les salariés licenciés l’étant au motif de la cessation complète et définitive de l’activité de l’entreprise, fixée au 31 mars 2017.
Toutefois, certains salariés avaient contesté leur licenciement estimant que la cessation d’activité n’était pas définitive en raison du fait que:
La Cour de cassation rappelle, en premier lieu, qu’en vertu d’une règle dégagée dans sa jurisprudence récente (Cass. Soc., 6 avril 2022, n°20-23.234) le fait qu’une autre entreprise du groupe ait poursuivi une activité de même nature ne fait pas obstacle à ce que la cessation d’activité soit regardée comme totale et définitive, la cessation d’activité s’appréciant au niveau de l’entreprise et non à l’échelle du groupe.
En second lieu, la Cour pose le principe selon lequel il n’est pas nécessaire que la cessation d’activité de l’entreprise soit complète et définitive lors de la notification des licenciements, il suffit que la cessation ait été irrémédiablement engagée à cette date.
En vertu de l’article L. 1225-4 du Code du travail, aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’une salariée lorsqu’elle est en état de grossesse médicalement constaté, sauf s’il justifie d’une faute grave de l’intéressée, non liée à l’état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse. A défaut, la rupture est nulle de plein droit et peut justifier l’attribution de dommages et intérêts.
Dans cette affaire (Cass. Soc., 4 octobre 2023, n°21-21.059), une salariée enceinte avait adhéré au CSP proposé par son employeur, l’employeur l’informant au préalable, comme il est d’usage, du motif économique le conduisant à proposer ce dispositif. L’employeur avait néanmoins omis d’évoquer dans sa lettre d’information qu’il était dans l’impossibilité de maintenir son contrat de travail pour un motif étranger à sa grossesse.
La salariée invoque alors la nullité de la rupture pour insuffisance de motivation. La Cour de cassation lui donne raison, en rappelant que l’adhésion au CSP, même si elle entraîne une rupture « réputée intervenir d’un commun accord » constitue en réalité une modalité du licenciement économique.
Par conséquent, lorsqu’un salarié adhère au CSP, l’employeur doit tout de même préciser dans la lettre de licenciement (i) les mentions visées à l’article L. 1232-6 du Code du travail et (ii), dans l’hypothèse d’une salariée en état de grossesse le ou les motifs visés par l’article L.1225-4 du Code du travail sous peine de nullité de la rupture.
Cette décision témoigne d’une approche cohérente de la Cour de cassation en matière de licenciements économiques de salariés bénéficiant d’une protection spéciale, puisqu’elle s’était déjà prononcé en ce sens à propos du licenciement d’un salarié victime d’une maladie professionnelle qui avait adhéré au CSP (Cass. Soc., 27 mai 2020, n°18-20.142).
Authored by Alexandra Tuil and Cristina Sanchez Herran.