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Notre équipe sociale revient sur les arrêts de la Cour de cassation du 13 septembre 2023, aux termes desquels la Cour de cassation octroie de nouveaux droits à congés payés aux salariés, en application du droit européen.
Revirement de jurisprudence : se conformant au droit européen la Cour de cassation pose, notamment, le principe de l’acquisition de congés payés pendant une absence, même non liée à un accident de travail ou une maladie professionnelle.
Cass. soc., 13 septembre 2023, n°22-17.340 et 22-17.342 ; 22-17.638 ; 22-10.529, 22-11.106 : à rebours de sa jurisprudence de ces dernières années, la Cour de cassation décide dans une série de cinq arrêts que :
Ce revirement s’inscrit dans une mouvance de la Cour de cassation préconisant depuis 2013 de se conformer au droit européen en matière de congés payés, en transposant la Directive 2003/88/CE garantissant, à son article 7, à tout salarié une période annuelle de congés payés de quatre semaines, sans distinction de période d’absence ou non.
Jusqu’alors la jurisprudence avait refusé de se substituer au législateur mais sa position s’était infléchie ces dernières années (Cass. soc., 15 septembre 2021, n°20-16.010 et CA Versailles, 18 mai 2022, n°19/03230).
Cet été, les choses se sont accélérées lorsque la responsabilité de l’Etat français a été reconnue par la Cour d’appel de Versailles, qui sur renvoi après arrêt du Conseil d’Etat, l’a condamné à payer des dommages et intérêts à des syndicats pour défaut de transposition de ladite Directive 2003/88/CE, notamment en ce que le Code du travail ne permet pas l’acquisition de congés dans tous les cas de suspension du contrat (CAA Versailles, 17 juillet 2023, n°22VE00442).
Les directives non transposées ne pouvant produire d’effet direct entre les particuliers et ne pouvant donc être appliquées dans l’ordre judiciaire, la Cour de cassation a adopté un raisonnement plus large, en se prévalant certes de la jurisprudence de l’Union européenne afférente à l’article 7 de la Directive 2003/88/CE mais surtout à l’article 31§2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (qui garantit à chacun un droit à une période annuelle de congés payés, sans plus de précisions) et qui, lui, a la même valeur juridique qu’un Traité, primant ainsi sur le droit national.
Dans ces arrêts, la Cour de cassation, en exposant son argumentaire de manière très documentée revient sur son ancienne position, écarte les dispositions des articles L. 3141-3 et -5 du Code du travail, et considère désormais que tout salarié a droit à un congé payé, indépendamment de la nature de l’arrêt. Pour mémoire, en vertu de l’article L. 3141-5 du Code du travail, le législateur n’autorise l’acquisition de congés payés, pendant une année, qu’en cas de maladie professionnelle ou d’accident du travail.
En outre, dans cette série d’arrêts, la Cour de cassation juge également qu’en cas d’accident de travail le calcul des droits à congés payés ne sera plus limité à la première année d’arrêt (Cass. soc., 13 septembre 2023, n°22-17.638), et que le délai de prescription (triennal) de l’indemnité de congés payés ne peut commencer à courir que lorsque l’employeur a mis le salarié en mesure d’exercer son celui-ci en temps utile (Cass. soc., 13 septembre 2023, n°22-10.529).
Ces décisions, appelées à être largement publiées, engendrent des changements majeurs pour les entreprises, et notamment sur le décompte de jours de congés payés supplémentaires pour les salariés malades, ce qui peut conduire à augmenter la provision financière. Cela devrait également conduire à un reparamétrage des logiciels SIRH et de paie.
Authored by Alexandra Tuil and Baptiste Camus.