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Notre équipe sociale revient brièvement sur trois arrêts récents relatifs à l'application des critères d'ordre des licenciements, à la conformité de la signature manuscrite scannée, et à la qualification de temps de travail effectif appliquée aux temps de trajet domicile-travail des salariés itinérants.
Par deux arrêts du même jour, la Cour de cassation rappelle que si le juge ne peut se substituer à l’employeur en matière d’appréciation des qualités professionnelles, il lui appartient toutefois de vérifier que l’appréciation portée sur ce critère est exempte de toute erreur manifeste ou abus de droit. L’employeur doit quant à lui fournir au juge les éléments objectifs sur lequel il s’est appuyé.
Le contrôle du juge se déplace ainsi sur le terrain de la pertinence des éléments objectifs retenus par l’employeur.
Dans la première espèce (Cass. soc., 18 janvier 2023, n° 21-19.675), la Cour de cassation considère que le seul niveau de diplôme n’est pas un critère pertinent pour apprécier les compétences professionnelles et départager des salariées ayant toutes deux une expérience équivalente.
Le poste à pourvoir étant un poste au sein du service administratif d’un établissement agricole, les juges retiennent que l’intérêt de retenir une linguiste espagnole, avancé par l’employeur, n’est pas pertinent.
Dans la seconde espèce (Cass. soc., 18 janvier 2023, n° 21-19.633), l'employeur avait pondéré le critère des charges de famille, en allouant 2 points par enfant de moins de 6 ans, 1 point par enfant de 7 à 12 ans, et aucun point au-delà.
Une salariée licenciée et disposant d'un enfant unique plus âgé contestait l'application de ce critère, en estimant que l'employeur faisait preuve de déloyauté faute de pouvoir justifier en quoi la distinction, opérée selon l'âge, était pertinente et objectivement justifiée quant à la charge réelle des enfants eu égard à leur âge.
La Cour de cassation donne raison à la Salarié dès lors que l’employeur ne démontrait pas en quoi un enfant de plus de 12 ans représentait une charge moindre par rapport à un enfant de moins de 12 ans voire de moins de 6 ans.
Si la sanction reste limitée à des dommages et intérêts, d’un montant de 3.000 euros dans chacun des cas ci-dessus, la vigilance est de mise et amène les employeur à travailler précisément les critères d’ordre qu’ils entendent retenir, afin d’éviter des demandes d’indemnisation postérieure à la rupture.
Dans cette affaire, un salarié ayant signé un CDD saisonnier décide dès le lendemain de cette signature de prendre acte de la rupture du contrat, notamment en raison du fait que le contrat présente une signature numérisée, et non une signature manuscrite.
D'après le salarié une signature manuscrite scannée n'aurait aucune valeur juridique. Il demande ainsi la requalification du CDD en contrat de travail à durée indéterminée au prétexte que le contrat n’aurait pas été signé dans les 48h de la prise de poste, comme l’exige les textes.
La Cour de cassation confirme la décision des juges du fond. Elle relève que si la signature querellée ne peut pas être qualifiée de signature électronique au sens du Code civil, il n'est cependant pas contesté que la signature provient du gérant de la société et permet d'identifier son auteur, lequel était habilité à signer un contrat de travail. De ce fait, cette signature ne vaut pas absence de signature. (Cass. soc., 14 décembre 2022, n°21-19.841).
Cette solution pourrait certainement être étendue à d'autres documents en droit du travail pour lesquels une signature est obligatoire, tels qu'un formulaire CERFA de rupture conventionnelle par exemple.
Une confirmation de la position retenue serait toutefois la bienvenue tant les circonstances de l’espèce pouvaient interpeller, notamment la volonté affichée du salarié de piéger l’employeur.
Par cet arrêt, la Cour de cassation aligne sa position sur le droit européen, tendance de plus en plus affichée par la Haute Juridiction.
Pour la Cour de justice de l'Union européenne , la directive de 2003 sur le temps de travail doit être interprétée en ce sens que s'agissant des travailleurs sans lieu fixe de travail ou habituel, leurs temps de déplacement consacrés aux déplacements quotidiens entre leur domicile et les sites du premier client et du dernier client désignés par l’employeur constituent du temps de travail.
La Cour de cassation avait toujours refusé d'adopter cette position, considérant de manière constante que le temps de trajet d’un salarié itinérant entre son domicile et le premier / dernier client visité n’était pas du temps de travail effectif et devait être compensé conformément à l'article L. 3121-4 du Code du travail.
Par un arrêt du 23 novembre 2022, la Haute Juridiction française infléchit sa position en interprétant les articles du Code du travail relatifs aux temps de travail effectif et au temps de trajet à la lumière de la directive européenne. (Cass.soc., 23 novembre 2022, n°20-21.924)
Elle précise ainsi que lorsque les temps de déplacement accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premier et dernier clients répondent à la définition du temps de travail effectif, ces temps ne relèvent plus du régime des temps de trajet.
Concrètement, la Cour de cassation considère ici que le salarié, technico-commercial, devait répondre au téléphone, fixer des rendez-vous client, le tout en circulant sur sept départements dans l'ouest de la France, se rendant occasionnellement au siège de l'entreprise. Ce rythme le forçait parfois à dormir à l'hôtel le soir avant de repartir le lendemain.
Dès lors, la chambre sociale approuve la cour d'appel, qui avait considéré que le salarié devait se tenir à la disposition de l'employeur et n'était pas libre de vaquer à ses occupations personnelles, y compris pendant ses temps de trajet. Ces temps de trajet constituaient donc bien du temps de travail effectif devant être rémunéré comme tel.
Optimiser le temps de trajet en jouant la polyvalence n’est donc pas neutre pour les employeurs…
Authored by Marion Guertault et Baptiste Camus